Tuesday, August 15, 2006

Le terrorisme ne tue pas toujours

Dans la nuit du 9 au 10 août, les services de sécurité britanniques procédaient à l'arrestation de 21 personnes soupçonnées de préparer un complot terroriste de grande envergure. Quelques heures plus tard (1o a.m.), ils procédaient à la fermeture des aéroports londoniens - provoquant un chaos incroyable dans l'aéroport le plus achanlandé d'Europe - et élevant le niveau d'alerte à "critique" ce qui eu pour effet d'accroître de façon dramatique les mesures de sécurité.
Dans le contexte politique qui prévaut en Occident depuis le 11 septembre 2001 (si j'inscris l'année, c'est parce que 30% des américains ont oublié en quelle année eurent lieu les attentats du 11 septembre, selon un sondage du Washington Post), il est difficile de blâmer le Home Office pour les mesures prises lors de cette journée et même certains diront qu'ils devraient être félicité. Mais je ne suis pas de ceux-là. À mon avis, il s'agit plutôt d'un échec.
Pourquoi? Parce que c'était une superbe occasion pour la classe politique occidentale de démontrer qu'elle pouvait protéger la sécurité de ses citoyens tout en préservant leurs libertés civiles. Mais la terreur est plus que jamais une forme de capital politique et nos dirigeants n'ont pu résister à la tentation. Je m'explique.
Il y a tant d'éléments particuliers, à défaut d'être contradictoires, dans cette opération antiterroriste qu'on ne peut faire autrement que de se poser des questions quant à la crédibilité même de l'affaire.
Commençons par le matériel qui devait être utilisé par les terroristes. Le triacetone triproxide (TATP) est l'un des explosifs les plus volatile, instable et difficile à utiliser. Il est difficile à utiliser parce que 1) sa préparation nécessite un environnement isolé et très très stable et 2) parce que tout choc ou variation de température vers le haut est un détonateur potentiel. Donc, partant du principe que des gens organisant ce type d'opération ne sont pas imbécile, pourquoi auraient-ils tenté de fabriquer à bord de l'avion et en vol un explosif qui aurait tout au plus détruit la toilette par exemple et qui dans les circonstances (le but est de détruire l'avion, non?) aurait été futile? Et si le produit était fabriqué à l'avance, pourquoi le trainer dans des bouteilles en plastique et le soumettre à une variété de manipulations qui auraient pu le détoner? Je peux comprendre l'idée de martyr qui anime plusieurs terroristes mais cela implique mourir pour un but ou une cause, pas pour rien. Ce n'aurait pas été le cas.
À titre de parallèle, j'aimerais mentionner qu'en 1995, de la nitroglycérine avait été utilisé pour faire exploser un avion et le seul résultat fut un petit trou et la mort du passager assis sur la bombe. Je souligne ça parce que la nitro est un explosif plus puissant que le TATP et que les dommages étaient très limité. Pensez-vous que le résultat auraient été différent cette fois-ci?
Deuxièmement, l'opération pratique (test run) devait, selon les informations, avoir lieu samedi le 12 ou dimanche le 13. Si vous avez arrêté les conspirateurs (que vous filez depuis 1 an) d'une opération qui devait se tenir, dans sa version bénigne, un minimum de 2 jours plus tard, prenez-vous toutes ces mesures le jour des arrestations? Ca me parait plutôt futile sauf si...
Troisièmement, si vous interceptez, 5 jours plus tôt, un message codé disant de procéder à l'opération maintenant, ne procédez-vous pas le plus rapidement possible à prendre des mesures de sécurité majeures afin de protéger les citoyens pendant que vous décodez le message, surtout quand cela prend au moins 3 jours? Pourquoi attendre et prendre de tels risques s'il s'agit d'un complot visant à causer "un nombre incalculables morts, des milliers de victimes"? C'est de la négligence, rien de moins, sauf si...
Ce qui s'est passé le 10 août était une chance en or de démontrer l'efficacité de la politique antiterroriste et qu'elle était possible sans en faire payer le prix à la population. Cette fois, la discrétion aurait vraiment été plus efficace qu'une opération de grande envergure. Les gens auraient apprécié pleinement le travail plutôt que de douter ses raisons. Cela aurait été possible encore sauf si...
Sauf si quoi? Sauf si vous attendez que le rapport affirmant qu'il y a eu rien de moins que 1800 morts en Irak en juillet est déposé en milieu de semaine; sauf si la vaste majorité des opérations antiterroristes que vous avez effectuées depuis 1 an ont été des fiascos complet (inclure ici une opération d'envergure au début de juin, faisant un blessé par balle, qui devait résulter en la remise en liberté des suspects une semaine plus tard); sauf si vous êtes dans une année électorale et que votre plate-forme politique est axée sur les dangers potentiels.
Maintenant, une fois de plus, je ne tiens pas à élaborer une théorie de complot. Oui, une opération de ce genre pouvait effectivement être en préparation et en ce sens, les arrestations au Pakistan ont à mes yeux plus de valeur que celles en Grande-Bretagne. Mais dans ce cas-ci, la terreur n'est pas venue des terroristes, mais de politiciens ambitieux et opportunistes qui se nourrissent de la crainte d'une population échaudée par la douleur des dernières années.
Essentiellement, je crois que les mesures prises par les pays occidentaux, en particulier dans les pays de deuxième ordre (inutiles?) sur l'échiquier sécuritaire comme le Canada ou la Suède, ne sont qu'une démonstration de force visant non pas des terroristes potentiels (en passant, dimanche un type s'est infiltré avec son cellulaire à bord d'un vol Londres/New-York) mais la population générale afin de maintenir un esprit de peur et de justifier des mesures très discutables, notamment lorsque votre ministre de l'Intérieur se plaint de l'existence des droits de l'homme, qui nuisent à son travail. La terreur, malheureusement, est plus que jamais capital politique.
En soi, une telle politique vise à terroriser une population. À utiliser de la terreur à des fins politiques. N'est-ce pas là la définition la plus courante du terrorisme?

Wednesday, August 09, 2006

La consécration du nouveau droit international : l’intervention israélienne au Liban

L’histoire commence avec l’explosion d’un camion cylindre à Nairobi, au Kenya, en juillet 1998. L’attentat terroriste, premier volet d’une attaque quasi-simultanée sur des ambassades américaines, incitera le gouvernement Clinton à bombarder, près d’un mois plus tard, des industries chimiques au Soudan et un camp de terroristes en Afghanistan. C’est avant le 11 septembre. Avant les invasions préemptives du 21e siècle. Et sous une administration qui a sacralisé le respect des droits de l’homme comme concept de politique étrangère. Pourtant, cette riposte américaine allait établir les nouveaux paramètres de sécurité pour les pays « développés ». En effet, il serait dorénavant possible d’enfreindre la souveraineté des États pour riposter à des acteurs non-liés à une structure étatique, notion qui trouverait sa prolongation en Afghanistant et Irak dans le contexte post-11 septembre. Et mine de rien, la liste des États-voyous (Rogue States) avait sa première publication avec la Syrie en haut de la liste… À la fin de l’année 2000, Israël concédait la première défaite militaire de son histoire, écoeurée et fatiguée par une guerre d’usure qui perdurait depuis 1982. En effet, un Hezbollah tenace avait forcé l’armée israélienne à se retirer du sud-Liban. Concession diplomatique ou retrait stratégique, ce geste a galvanisé l’importance du Hezbollah dans la région, une importance que peu d’entre nous arrivent à bien comprendre, et blessait l’orgueil et la fierté jusque-là immaculée de Tsahal. Une défaite comparable à celle de l’Allemagne lors de la première guerre mondiale, en ce sens ou la défaite n’a pas eu lieu sur le terrain mais dans les couloirs de la diplomatie. Le genre de défaite qui attise la rancœur… Le Hezbollah est une organisation terroriste très particulière car dans les faits, elle tient plus du groupuscule paramilitaire que du groupe terroriste. En effet, le Hezbollah c’est plus que des attaques terroristes – kamikazes ou autres – c’est en fait un mini-gouvernement : c’est un système de santé bien développé, qui inclut la construction et la gestion d’hôpitaux; la construction et la gestion d’écoles – non-religieuses – primaires et secondaires; c’est un centre d’emplois pour les démunis; c’est un centre d’aide sociale. Le Hezbollah, c’est un micro-État providence dotée d’une armée et galvanisée non pas par une foi coranique, mais par une haine aveugle envers Israël. C’est une entité autarcique mais non étatique. Ce dernier point est très important car il constitut en soi la véritable raison pourquoi l’intervention israélienne au Liban n’est ni légitime, ni légale. En fait, elle contrevient à toutes les conventions, traités et règles – écrites ou non – qui régissent les relations inter-étatiques, notamment en termes belliqueux. L’attaque israélienne au Liban est une déclaration de guerre formelle : un État attaquant un autre État, sans préavis. Cependant, cette attaque est une riposte envers une entité non-étatique, envers un acteur non-gouvernemental qui n’est en rien lié aux conventions et principes des relations internationales. C’est ce qui rend les négociations actuelles du Conseil de Sécurité complètement loufoque puisque le Hezbollah n’y a aucune représentation et que le Liban n’a rien a négocier étant la victime d’une attaque qui, à première vue, n’a aucun sens stratégique. Une guerre totale pour intimider les autres acteurs de la région? La guerre de 6 jours et celle du Yom Kippour avaient déjà fait le travail. Pour intimider les groupes terroristes? Le Hamas, principal adversaire d’Israël depuis 2000, est désormais un gouvernement et ses attentats ont désormais valeur de déclaration de guerre. Un tel geste plairait à Israël et à son allié américain – une véritable justification pour une intervention militaire – et je crois que les hauts-membres du Hamas ont au moins assez d’intelligence politique pour éviter de faire un tel cadeau à leurs adversaires. Donc pourquoi une réaction si démesurée? Oui, Israël a comme crédo Plus jamais et elle ne donnera jamais plus à ses adversaires, antisémites ou non (d’ailleurs ce mot, comme le terme terroriste est tellement utilisé à toutes les sauces qu’il en perd sa véritable valeur), la moindre odeur de sang, d’impression de vulnérabilité. Et dans le contexte historique et géopolitique, il est difficile de leur en vouloir. Mais l’action au Liban va bien au-delà de ce cadre. En effet, je crois que la véritable source de cette attaque se trouve dans les visées américaines dans la région et leurs deux principales faiblesses militaires : (1) l’amincissement des troupes américaines étirées et sur-utilisées dans l’implantation de la pax americana et, (2) leurs retentissants insuccès en Irak. C’est bien connu, les Etats-Unis cherchent depuis plusieurs années à mieux s’implanter au-delà d’Israël au Moyen-Orient et surtout, mettre fin à un groupe de dissidents (la Syrie et l’Iran) qui constitut non seulement une épine dans le pied diplomatique américain mais aussi qui représente une menace de violence non-négligeable envers leurs. La dernière année ayant vu les Départements d’État et de Défense américain jongler avec l’idée d’étendre les opérations en Irak à la Syrie et l’Iran développer des capacités d’armemement nucléaire, il apparaît évident que l’administration Bush et ses faucons piaffent d’envie d’imposer leur volonté à ces deux renégats. Cependant, la réalité à tôt fait de les refroidir. Les rapports sur la situation irakienne se font pire à chaque jour et les troupes américaines sont tellement déployées dans diverses missions de paix que les nouveaux effectifs proviennent de la National Guard. Prochaine étape, la conscription… Donc dans cette situation, que faire? Traditionnellement, la porte vers la Syrie est le Liban. À mon avis, et ce sans tomber dans les théories de complots, l’ampleur et l’importance des opérations de Tsahal au Liban ont pour but non seulement de permettre à Israël d’affaiblir si ce n’est d’éliminer le Hezbollah, mais aussi de permettre aux américains, par personnage interposé, de se donner un tremplin vers la Syrie. Et l’attitude très agressive et absolument intransigeante des Etats-Unis dans ce dossier, particulièrement celle de Condoleezza Rice, me paraît être un bon indicateur de l’importance de ce dossier pour les intérêts de l’administration Bush. Stratégiquement, c’est ce qui me semblerait le seul argument logique pour une telle invasion, pour une telle opération militaire. Mais qui a dit que la guerre était logique…
En attendant, les lois de la guerre s’en trouvent une fois de plus profondément modifiées, une étape de plus dans la réforme du droit international imposée par le pouvoir hégémonique et ses sbires, qui après avoir reçu une claque au visage, s’est empressé de vouloir changer les règles du jeu moderne, règles qu’il avait lui-même établis et acceptés.

Tuesday, August 08, 2006

Décollage prise 2

Bonjour chers lecteurs, Les vacances estivales (ici inclure 1 mois de Coupe du Monde) ayant eu lieu au printemps, le blog du Chasse-Galerie n'a pas pu être mis à jour. Cependant, puisque la terre n'arrête pas de tourner parce que nous avons ralenti notre rythme, nous publierons au cours des prochains jours et semaine une série de textes qui traiteront du conflit au Liban à la réforme des manuels d'Histoire au Québec, en passant par le côté plus intello de la Coupe du monde. À tous ceux qui ont attendu un nouveau texte depuis quelque temps, nous sommes désolé de vous avoir fait attendre et nous espérons raviver vôtre intérêt pour nos articles le plus rapidement possible. L'équipage du Chasse-Galerie