Dans la nuit du 9 au 10 août, les services de sécurité britanniques procédaient à l'arrestation de 21 personnes soupçonnées de préparer un complot terroriste de grande envergure. Quelques heures plus tard (1o a.m.), ils procédaient à la fermeture des aéroports londoniens - provoquant un chaos incroyable dans l'aéroport le plus achanlandé d'Europe - et élevant le niveau d'alerte à "critique" ce qui eu pour effet d'accroître de façon dramatique les mesures de sécurité.
Dans le contexte politique qui prévaut en Occident depuis le 11 septembre 2001 (si j'inscris l'année, c'est parce que 30% des américains ont oublié en quelle année eurent lieu les attentats du 11 septembre, selon un sondage du Washington Post), il est difficile de blâmer le Home Office pour les mesures prises lors de cette journée et même certains diront qu'ils devraient être félicité. Mais je ne suis pas de ceux-là. À mon avis, il s'agit plutôt d'un échec.
Pourquoi? Parce que c'était une superbe occasion pour la classe politique occidentale de démontrer qu'elle pouvait protéger la sécurité de ses citoyens tout en préservant leurs libertés civiles. Mais la terreur est plus que jamais une forme de capital politique et nos dirigeants n'ont pu résister à la tentation. Je m'explique.
Il y a tant d'éléments particuliers, à défaut d'être contradictoires, dans cette opération antiterroriste qu'on ne peut faire autrement que de se poser des questions quant à la crédibilité même de l'affaire.
Commençons par le matériel qui devait être utilisé par les terroristes. Le triacetone triproxide (TATP) est l'un des explosifs les plus volatile, instable et difficile à utiliser. Il est difficile à utiliser parce que 1) sa préparation nécessite un environnement isolé et très très stable et 2) parce que tout choc ou variation de température vers le haut est un détonateur potentiel. Donc, partant du principe que des gens organisant ce type d'opération ne sont pas imbécile, pourquoi auraient-ils tenté de fabriquer à bord de l'avion et en vol un explosif qui aurait tout au plus détruit la toilette par exemple et qui dans les circonstances (le but est de détruire l'avion, non?) aurait été futile? Et si le produit était fabriqué à l'avance, pourquoi le trainer dans des bouteilles en plastique et le soumettre à une variété de manipulations qui auraient pu le détoner? Je peux comprendre l'idée de martyr qui anime plusieurs terroristes mais cela implique mourir pour un but ou une cause, pas pour rien. Ce n'aurait pas été le cas.
À titre de parallèle, j'aimerais mentionner qu'en 1995, de la nitroglycérine avait été utilisé pour faire exploser un avion et le seul résultat fut un petit trou et la mort du passager assis sur la bombe. Je souligne ça parce que la nitro est un explosif plus puissant que le TATP et que les dommages étaient très limité. Pensez-vous que le résultat auraient été différent cette fois-ci?
Deuxièmement, l'opération pratique (test run) devait, selon les informations, avoir lieu samedi le 12 ou dimanche le 13. Si vous avez arrêté les conspirateurs (que vous filez depuis 1 an) d'une opération qui devait se tenir, dans sa version bénigne, un minimum de 2 jours plus tard, prenez-vous toutes ces mesures le jour des arrestations? Ca me parait plutôt futile sauf si...
Troisièmement, si vous interceptez, 5 jours plus tôt, un message codé disant de procéder à l'opération maintenant, ne procédez-vous pas le plus rapidement possible à prendre des mesures de sécurité majeures afin de protéger les citoyens pendant que vous décodez le message, surtout quand cela prend au moins 3 jours? Pourquoi attendre et prendre de tels risques s'il s'agit d'un complot visant à causer "un nombre incalculables morts, des milliers de victimes"? C'est de la négligence, rien de moins, sauf si...
Ce qui s'est passé le 10 août était une chance en or de démontrer l'efficacité de la politique antiterroriste et qu'elle était possible sans en faire payer le prix à la population. Cette fois, la discrétion aurait vraiment été plus efficace qu'une opération de grande envergure. Les gens auraient apprécié pleinement le travail plutôt que de douter ses raisons. Cela aurait été possible encore sauf si...
Sauf si quoi? Sauf si vous attendez que le rapport affirmant qu'il y a eu rien de moins que 1800 morts en Irak en juillet est déposé en milieu de semaine; sauf si la vaste majorité des opérations antiterroristes que vous avez effectuées depuis 1 an ont été des fiascos complet (inclure ici une opération d'envergure au début de juin, faisant un blessé par balle, qui devait résulter en la remise en liberté des suspects une semaine plus tard); sauf si vous êtes dans une année électorale et que votre plate-forme politique est axée sur les dangers potentiels.
Maintenant, une fois de plus, je ne tiens pas à élaborer une théorie de complot. Oui, une opération de ce genre pouvait effectivement être en préparation et en ce sens, les arrestations au Pakistan ont à mes yeux plus de valeur que celles en Grande-Bretagne. Mais dans ce cas-ci, la terreur n'est pas venue des terroristes, mais de politiciens ambitieux et opportunistes qui se nourrissent de la crainte d'une population échaudée par la douleur des dernières années.
Essentiellement, je crois que les mesures prises par les pays occidentaux, en particulier dans les pays de deuxième ordre (inutiles?) sur l'échiquier sécuritaire comme le Canada ou la Suède, ne sont qu'une démonstration de force visant non pas des terroristes potentiels (en passant, dimanche un type s'est infiltré avec son cellulaire à bord d'un vol Londres/New-York) mais la population générale afin de maintenir un esprit de peur et de justifier des mesures très discutables, notamment lorsque votre ministre de l'Intérieur se plaint de l'existence des droits de l'homme, qui nuisent à son travail. La terreur, malheureusement, est plus que jamais capital politique.
En soi, une telle politique vise à terroriser une population. À utiliser de la terreur à des fins politiques. N'est-ce pas là la définition la plus courante du terrorisme?
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